• Guiding light {Carmenita*

Quelques promessess en l'air et voilà Carmen. La jeune femme venait de passer devant la salle de répétition des Maniacs – l'ancienne salle de répétition des Maniacs serait plus juste. Le groupe n'existait plus. Son groupe non plus. Carmen n'en revenait toujours pas; les journées passées à chanter dans la pièce exigüe lui manquaient, et le simple fait de repasser devant la porte de la salle lui faisait presque monter les larmes aux yeux, mais il ne le fallait pas. Tout ceci, c'était désormais du passé, des petits bouts de vie oubliés.
Elle ne venait plus que rarement désormais dans ces locaux, pour voir Liam un instant. Encore ce jour-là, elle lui avait promis qu'elle passerait.

« Dis, Carmen, tu viendras me voir, tout à l'heure? » Lui avait-il demandé, quelques heures plus tôt, alors que la belle était encore ensommeillée. Evidemment, elle avait acquiescé. Evidemment. Il l'avait bien eue, et avait détalé avant qu'elle ait eu le temps de revenir sur ses mots. Ce n'était qu'une fois qu'elle s'était extirpée de ses draps qu'elle réalisa l'ampleur de ses paroles. La jeune femme soupira. C'était du Liam ça, complètement.
Elle était restée encore un peu à l'appartement, avant de prendre son courage à deux mains et de se décider d'aller voir Liam... Comme promis.

C'est ainsi qu'elle s'était retrouvée devant la salle des Maniacs, maintenant 'inhabitée'. Selon les rumeurs, tout était resté en l'état. Personne n'avait eu le courage de venir ranger les rares photos qui peuplaient les murs blancs. De la pièce émanait une faible lueur, qui laissait cependant deviner une présence. Piquée par la curiosité, elle poussa silencieusement la porte, afin d'entrevoir l'intérieur. La pièce était semblable à toutes les autres. Sur un mur trônait une image représentant le groupe au complet, avant la mort de Leeroy, l'incident, comme tout le monde s'était évertué à l'appeler. Elle s'apprêtait à refermer, quand elle vit que quelqu'un était là. Preston, le manager des Monkey Business, avait été et était toujours l'ami des anciens Maniacs. Le fait qu'il se trouve dans cette pièce n'étonnait pas Carmen. Elle se tût pour l'observer, constatant que lui aussi fixait l'image.
Encore un instant d'observation et il daigna tourner les yeux vers elle. Un vague sourire parcourut les lèvres de la jeune femme. Ils n'avaient que peu eut à faire l'un à l'autre, mais portaient ensemble un secret, celui de Preston. Personne n'ignorait son passé. Mais elle pouvait se targuer de connaître, ne seraient-ce que peu de choses, sur son présent.

« Salut, Preston. Comment vas-tu? »

Un silence retomba dans la pièce. Carmen, légèrement gênée, fit tout de même un pas dans ce lieu sacré. Pour elle, entrer dans la salle de répétition des Maniacs était comme un privilège, mais aussi un outrage. Elle avait été leur rivale, la pire des rivales peut-être, la petite amie de l'assassin. Ce n'était pas un fardeau facile à porter pour d'aussi frêles épaules. Ce n'était pas une situation facile malgré toutes les médisances dont elle avait fait les frais. Et quitter le milieu avait semblé, pour elle, la meilleure des solutions. Souvent, elle avait eu envie de tout abandonner. Mais d'autres s'en étaient chargés pour elle. 'Le groupe ne rapporte plus, arrêtons de les produire' avait-on dit du côté des studios. Les autres étaient partis dans d'autres projets : pas Carmen. Elle avait trop souffert de la cruauté de ce monde, cet abandon avait été le dernier coup qu'elle subirait, quitte à devenir banale. D'une effarante banalité. Et c'est avec cette banalité que ses pieds foulèrent le sol, pas en tant que chanteuse des Blue Lemons, mais en tant que Carmen Westfall.

« C'est toi qui a pris cette photo? » le questionna-t-elle. La réponse ne faisait aucun doute, mais elle l'avait demandé quand même. Elle ne trouvait pas le ton adéquat, la posture adéquate pour lui parler. Il y avait trop de malaise entre eux pour se livrer à une conversation un tant soit peu spontanée.

Qui aurait pu croire que les choses changeraient autant en une année ? Hier il n'était que simple photographe vivant librement loin de toutes contraintes et aujourd'hui, il était manager d'un nouveau groupe avec des responsabilités plus grandes, des choses plus sérieuses dont il n'avait encore jamais eu l'habitude. Pourtant, il était là, à contempler le passé de ses vingt-deux ans du haut de ses vingt-trois ans. Tout était du passé, était ce si difficile à avouer ? Maintenant, son occupation était les Monkey Business, plus les Maniacs ni les Blue Lemons. Il fallait vivre avec son temps. Certaines choses s'en vont alors que d'autres restent, la dure loi du showbiz mais aussi de la vie. Il fallait faire avec et continuer son petit chemin dans ce monde qu'on ne comprenait pas toujours. Après tout, c'était l'occasion de découvrir de nouvelles choses, de nouvelles têtes et un tas d'autres choses.

Pourquoi alors était-ce si difficile pour certaines personnes ? Pourquoi Preson s'en sentait-il incapable encore aujourd'hui ? Parce que que Preston aime faire chier le monde et pas faire comme lui, me diriez vous. Ah si seulement il pouvait le faire exprès mais c'était hélas tout le contraire. Depuis l'aube de ses seize ans, le jeune homme avait tendance à vivre un peu trop dans le passé si vous voulez mon avis. Comme si sa mémoire était incapable d'évacuer quoique ce soit, gardant ses souvenirs intacts comme une goutte d'eau qui atterrit sur une feuille si on ne la bougeait pas. Sauf que, la plupart du temps, ces souvenirs bien douloureux le torturaient au plus au point. Et quand il contemplait cette photographie datant d'un peu plus d'un an, la plupart d'entre eux revenaient le hanter.

Mais quelque chose semblait être apparemment contre lui aujourd'hui car en quelques secondes, il ne fut plus seul dans l'ancien repère des Maniacs. Quand il vit le visage de Carmen en face de lui, son ventre se mit pendant quelques secondes à jouer les montagnes russes en repensant à une certaine soirée dont il n'avait que de brefs souvenirs dont un : « C'est qui celle là Preston ? C'est ta nouvelle meuf ? » très délicat de la part d'une des personnes qui passaient la soirée avec lui ce jour là. Puis des souvenirs un peu plus clairs d'une certaine séquence émotions en pleine rue ... Preston eut un sourire voilé mais sincère en se retournant vers la jeune femme.

PRESTON ▬ Ça va, ça va ... et toi ?

Carmen était sûrement venu voir Liam, ce qui était tout à fait normal. Preston savait qu'il était dans les environs mais de là à savoir où ... Enfin le groupe était censé répété mais Preston n'étant pas du genre manager ultra strict qui flique et enferme son groupe dans la salle de répète pour s'assurer qu'ils fassent bien leur boulot. Étant lui aussi un artiste, enfin ayant été, il savait que l'inspiration ne se faisait pas sur commande, qu'il fallait parfois sortir pour pouvoir se donner à fond dans son boulot. Bon il ne s'agissait que de répétitions mais bon ...

PRESTON ▬ Ouais c'est moi. Juillet 2008 avant, une cérémonie de remises de prix ... enfin après plutôt.

Oui c'était ça, après. Preston passa une main dans sa tignasse blonde, comme pour revenir sur Terre. Quoique cette option n'était guère plus réjouissante. Carmen donnait l'impression de ne plus savoir où se mettre, ce n'était d'ailleurs pas qu'une impression. Preston n'était pas mieux qu'elle de toute façon. Elle l'avait vu à un moment où il aurait voulu que personne ne le voit. Elle l'avait vu dans un état de faiblesse tellement extrême que ... même lui avait encore du mal à y croire.

PRESTON ▬ Tu ... venais voir Liam ?

« Ca va, ça va... Et toi ? »

Carmen s'en voulut presque immédiatement d'avoir prononcé ces stupides paroles. Demander à quelqu'un si il va bien, c'est un peu attendre qu'on nous le demande en retour. Or, elle n'avait aucune envie d'évoquer ses préoccupations. Aidan qui se drogue pour l'oublier. Liam qui passe ses journées à répéter. Et tellement d'autres choses qui ne gagnent pas à être mentionnées... C'était bien la dernière question dont elle avait envie, et c'était elle qui l'avait posée. Puis, c'était stupide. Preston était là, dans cette pièce qu'il aimait, où il y avait des gens qu'il aimait, et elle venait lui demander si il allait bien. Quelle imbécile. Malgré tout, elle prit ce qu'il lui restait de sourires, et s'en servit pour lui répondre.

« Ca va... La routine, hein. Metro boulot dodo, en quelques sortes. »

J'ai entendu dire un jour que jamais un anglais disait qu'il n'allait pas bien. Si il y a une exception qui confirme la règle, ladite exception ne se prénomme pas Carmen. Et même si elle avait raconté à Preston qu'elle n'allait pas bien, pourquoi elle n'allait pas bien, qu'aurait-il pu y faire ? Il ne possédait pas encore de baguette magique, et des ailes ne lui avaient pas poussé sur le dos. En quelques mots, il n'était pas exactement la bonne fée, c'est le moins que l'on puisse dire. Elle l'interrogea sur la photographie sur le mur. Il répondit que c'était lui qui l'avait prise, en effet.
Alors, Carmen se sentit mal, face au sourire triste de Preston. Cette photo évoquait tout ce qui avait été, tout ce qui avait été détruit d'un simple coup. Par Aidan. Souvent, elle s'interrogeait sur ses motivations ce jour-là. Avant, elle ne se le permettait pas, parce qu'ils étaient ensembles et qu'elle ne voulait même pas lui en parler. Mais désormais, tout était différent, et il lui était beaucoup moins difficile d'y réfléchir. Elle ne comprenait pas ce qui poussait un homme à commettre un tel crime, à porter le coup fatal. Parfois, elle se perdait durant des heures dans ses sombres pensées, jusqu'à ce qu'un certain Liam vienne l'en tirer. Alors, elle répondait « Rien, rien, c'est rien. » Il lui arrivait d'essayer d'en parler, mais son petit ami n'y tenait pas. On en avait trop dit autour d'eux, trop entendu aussi.

Elle se sentait mal. Elle venait de rappeler à Preston de bons souvenirs, les derniers bons souvenirs, elle qui avait été la petite amie de celui qui les avait effacés à jamais.

« Tu venais... voir Liam ? »

La questionna-t-il.

« Oui, je ne sais pas où il est passé, je l'ai cherché partout... »

Menteuse, tu viens d'arriver.

« Mais il est introuvable. Tant pis, je le verrais ce soir. »

« Hmm, Preston, quelqu'un d'autre est au courant ? Je veux dire, pour ton problème, enfin, tu vois, quoi. »

Finalement, elle n'avait peut-être pas envie d'en parler, ici et maintenant.

» saturday's gone, sunday's coming. ♦ pv. carmenita d'amour